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Le 17 mars 2017, dans l’affaire Jolicoeur c. Avocats (Ordre professionnel des)[1], le Tribunal des professions (ci-après le « Tribunal ») se prononçait sur un appel porté par un professionnel contre des décisions sur culpabilité et sanction ayant respectivement été rendues les 13 juillet et 22 décembre 2015 par le Conseil de discipline du Barreau du Québec (ci-après le « Conseil »).

Les faits en l’espèce se résument comme suit. Le 30 juillet 2010, le Bureau de révision de l’Autorité des marchés financiers rendait une ordonnance de blocage, interdisant notamment à Pierre Jolicoeur, fils et client du professionnel (ci-après « Client »), de se départir de ses biens. Entre le 10 avril et le 15 mai 2011, le professionnel consentira à ce que des sommes provenant de la vente du chalet de son Client soient déposées dans un compte bancaire qu’il avait lui-même préalablement ouvert, retirera ensuite ces sommes sous forme de traites bancaires, les échangera en argent comptant et remettra cet argent à la conjointe de son Client. Le seul chef d’infraction porté contre le professionnel inclut l’ensemble de ces éléments. Le Conseil déclarera le professionnel coupable de l’infraction reprochée et lui imposera une radiation d’une période de six (6) mois.

En appel devant le Tribunal, le professionnel reprochait au Conseil d’avoir accepté que soit déposée en preuve une déclaration assermentée qu’il avait faite devant des policiers l’ayant interrogé sur les événements. Selon lui, le jugement du Tribunal dans l’affaire De Sierra[2] imposait au plaignant de lui transmettre avant l’audience un avis indiquant son intention de déposer en preuve cette déclaration ainsi que d’identifier, dans cet avis, les passages qui constituent des aveux. En l’espèce, si le plaignant avait bel et bien transmis un avis indiquant son intention de déposer en preuve cette déclaration, il n’avait identifié aucun passage comme constituant un aveu. Le professionnel reprochait ensuite au Conseil d’avoir conclu à l’existence, chez lui, d’une intention blâmable en tenant compte de faits qui n’ont pas été administrés en preuve. Pour lui, les erreurs factuelles commises par le Conseil sont déterminantes puisqu’elles l’amènent à croire que le professionnel savait, en remettant l’argent à la conjointe de son Client, qu’il contrevenait à une ordonnance de blocage. En terminant, le professionnel plaidait que la sanction qui lui a été imposée est injuste et déraisonnable.

Le Tribunal rejette les prétentions du professionnel sur culpabilité. Il fait siens les propos de la Cour supérieure dans l’affaire Jolicoeur[3] et en arrive à la conclusion que la transmission d’un avis tel que mentionné dans l’affaire De Sierra n’est pas une « procédure exigée par mesure ou souci de respect de l’équité procédurale », mais une « pratique qui serait souhaitable ». Selon le Tribunal, il suffit de s’attarder à l’esprit de la décision De Sierra afin de déterminer si la pratique qui y est recommandée fut respectée. En l’espèce, conclut celui-ci, l’avis transmis par le plaignant était suffisant. En ce qui concerne la deuxième question en litige sur culpabilité, le Tribunal en vient à la conclusion que le Conseil n’a pas erré en concluant à l’intention blâmable du professionnel. En effet, suffisamment d’éléments avaient été mis en preuve pour permettre au Conseil d’inférer de ceux-ci que le professionnel avait agi dans le but de contourner l’ordonnance de blocage. Le Tribunal termine en rejetant l’appel du professionnel sur sanction. En effet, affirme-t-il, le Conseil a exercé sa discrétion en qualifiant de grave l’infraction pour laquelle le professionnel fut déclaré coupable, et ce, sans occulter les facteurs atténuants. Pour ces raisons, aucune erreur manifeste et déterminante n’émane de la décision du Conseil sur sanction.

En conclusion, nous considérons que la présente affaire apporte des clarifications importantes sur l’avis auquel le Tribunal faisait référence dans l’affaire De Sierra. En effet, il semble être désormais reconnu, tant par le Tribunal que par la Cour supérieure, que les principes ayant été émis dans De Sierra constituent bel et bien une pratique souhaitable et non pas une procédure exigée en vertu de l’équité procédurale.

[1] 2017 QCTP 24.

[2] Psychologues (Ordre professionnel des) c. De Sierra, 2005 QCTP 134 (CanLII).

[3] Jugement rendu par la Cour supérieure en révision judiciaire de la décision du Conseil acceptant la mise en preuve de la déclaration faite par le professionnel aux policiers et refusant la tenue d’un voir dire sur le sujet. Révision judiciaire rejetée dans Jolicoeur c. Bellemare, 2014 QCCS 5287. Permission d’appeler refusée dans 2015 QCCA 89.