Dans la présente affaire, le Tribunal des professions (ci-après « Tribunal ») était saisi d’une demande en rejet d’appel présentée par l’intimé, M. Litvack, à l’encontre de l’appel d’une décision du Conseil de discipline de la Chambre des notaires du Québec (ci-après « Conseil ») ayant rejeté une plainte privée déposée par M. Fiederer.
Les faits sont les suivants. Le 4 novembre 2015, M. Fiederer dépose contre M. Litvack une plainte disciplinaire privée dans laquelle il allègue que ce dernier aurait notamment refusé de préparer deux (2) contrats et détruit l’original d’une entente entre deux (2) parties. Le 4 mai 2017, le Conseil rejette la plainte de M. Fiederer en concluant que le témoignage de ce dernier n’est pas crédible ni supporté par d’autres témoins ou documents. De plus, le Conseil est d’avis que la plainte est excessive et manifestement mal fondée. Le 8 novembre 2017, l’appelant dépose un appel à l’encontre de la décision du Conseil. En réponse à cet appel, l’intimé dépose une demande en rejet d’appel, alléguant qu’il est abusif et/ou n’a pas de chance raisonnable de succès.
D’entrée de jeu, le Tribunal rappelle que ses pouvoirs en matière de rejet d’appel découlent de l’article 165 (2) du Code des professions qui lui permet de s’inspirer du Code de procédure civile pour « rendre les ordonnances de procédure nécessaires à l’exercice de ses fonctions ». Or, rappelle le Tribunal, l’article 165 (2) a déjà été interprété comme permettant le rejet d’un appel sur une base préliminaire. Le Tribunal réfère ensuite aux affaires Bédard c. Sabourin[1] et Desmarais c. Fillion[2], lesquelles résument les principes applicables en matière de rejet d’appel abusif et/ou ne présentant pas de chance raisonnable de succès.
En procédant à « une analyse sommaire du dossier »[3], le Tribunal constate qu’aucun des arguments soulevés par l’appelant dans le cadre de son appel ne fait état d’une erreur de droit ou d’une erreur de fait manifeste et dominante. En effet, le Tribunal conclut au contraire que les arguments de l’appelant ne constituent qu’une répétition de ceux soulevés en première instance. Or, le Tribunal cite la Cour d’appel dans l’arrêt Pogan[4] et rappelle qu’une « cour d’appel n’a pas pour mission de reprendre le procès de première instance ». Pour ces motifs, le Tribunal conclut que l’appel n’a pas de chance raisonnable de succès et le rejette en conséquence.
Nous retenons de cette décision que l’absence d’identification d’erreur(s) spécifique(s) par le Conseil peut être fatale à l’appel porté devant le Tribunal, et ce, même sur une base préliminaire. En effet, la présente affaire n’est pas sans rappeler les propos tenus par la Cour d’appel dans un autre arrêt et où cette dernière écrivait qu’« une partie qui cherche à obtenir l’intervention de la Cour […] a tout intérêt à choisir, cibler et pointer […] »[5]. Il est désormais clair que l’absence de ce faire peut mener au rejet de l’appel, et ce, même sur une base préliminaire.
[1] 2010 QCTP 8.
[2] 2017 QCTP 95.
[3] Desmarais c. Fillion, 2017 QCTP 95, para. 12.
[4] Pogan c. Laboratoires Charles River, services précliniques Montréal inc., 2009 QCCA 1639, para. 13.
[5] Softmedical inc. c. Daabous, 2015 QCCA 1533 (CanLII), para. 9.