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Le 28 octobre 2016, dans l’affaire Di Genova c. Pharmaciens (Ordre professionnel des)[1], le Tribunal des professions (ci-après le « Tribunal ») confirmait la décision du Conseil de discipline de l’Ordre des pharmaciens du Québec (ci-après le « Conseil ») en rejetant l’appel sur culpabilité et sanction de l’appelant, M. Di Genova.

Les faits menant au chef d’infraction dont la déclaration de culpabilité est contestée concernent le reconditionnement sans justification (c.-à-d. raison d’ordonnance ou thérapeutique), par M. Di Genova, d’un médicament déjà conditionné dans des flacons de 0,23 et de 0,3 ml à usage unique, en seringues de 0,05 ml. En effet, l’appelant fut déclaré coupable en première instance d’avoir commis un acte dérogatoire à l’honneur et à la dignité de la profession, et ce, contrairement à l’article 59.2 du Code des professions. Il se vit donc imposer une radiation temporaire de trois (3) mois et une amende de 7 500 $. Portant cette décision en appel, M. Di Genova plaidait notamment que le libellé du chef d’infraction porté contre lui était imprécis. Il prétendait également que le Conseil avait retenu le mauvais critère aux fins d’identifier la présence d’une infraction en ce qu’aucune des sources d’information[2] utilisées par celui-ci pour conclure que l’appelant devait avoir une raison pour reconditionner le médicament n’est de nature légale ou règlementaire.

Rejetant les arguments de l’appelant, le Tribunal rappelait que les éléments essentiels d’un chef d’accusation ne sont pas définis par la seule formation du libellé. En effet, ils relèvent avant tout de la disposition de rattachement qui y est énoncée. Dans le cas présent, il s’agissait de l’article 59.2 du Code des professions, lequel stipule qu’un professionnel ne peut poser un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de sa profession. Dans la décision Bélanger[3], le Tribunal précisait que lorsque la plainte reproche à l’intimé un manquement à cet article, le libellé du chef d’infraction doit décrire le comportement incriminé avec suffisamment de précision pour permettre à l’intimé de présenter une défense pleine et entière. De l’avis du Tribunal, la formulation du chef d’infraction en l’instance remplissait ce critère. En ce qui concerne le deuxième argument de l’appelant, le Tribunal le rejette également en réaffirmant qu’il revient au Conseil de déterminer ce qui constitue une violation de la norme de comportement énoncée à l’article 59.2 du Code des professions. Pour ce faire, le Conseil peut appuyer sa décision sur un texte qui n’est pas normatif, ce qu’il a fait en l’instance. Selon le Tribunal, le raisonnement inverse aurait pour effet de vider, « à toutes fins pratiques, l’article 59.2 du Code des professions de sa signification ou, à tout le moins, d’une partie importante de sa finalité de protection du public. »[4]

Nous retenons de cette décision le rappel du principe voulant qu’il revienne aux Conseils de discipline de définir ce qui constitue une violation à la norme de comportement prévue à l’article 59.2 du Code des professions. Pour ce faire, ils peuvent fonder leur décision sur des textes normatifs créant des infractions disciplinaires ou encore, et de façon tout à fait valable, sur des sources documentaires autres qui ne proviennent ni d’une loi ni d’un règlement. Par ailleurs, il est intéressant de noter que par cette décision, le Tribunal confirme que les éléments essentiels d’une infraction relèvent avant tout de la disposition de rattachement et non du libellé de la plainte disciplinaire.

[1] 2016 QCTP 144.

[2] La « Politique sur la fabrication et la préparation en pharmacie de produits pharmaceutiques au Canada » et la « Monographie du Fabricant ».

[3] Bélanger c. Avocats (Ordre professionnel des), 2012 QCTP 73.

[4] Cardinal c. Chartrand, 2012 QCCA 194.