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Le 8 novembre 2016, le Tribunal des professions (ci-après le « Tribunal ») accueillait partiellement l'appel du syndic de la Chambre des notaires du Québec portant sur une sanction imposée à la professionnelle conformément à l’article 156 al. 2 du Code des professions.  Les critères d’application de la sanction minimale prévue à cette disposition sont en cause dans la présente décision[1].

Les faits en espèce se résument comme suit.  Le 12 mars 2012, le Conseil de discipline de la Chambre des notaires du Québec (ci-après le « Conseil ») déclare la professionnelle coupable de huit (8) chefs d'infraction, pour avoir utilisé à des fins autres des sommes d'argent qui lui ont confiées par ses clients. En effet, de 2003 à 2008, la notaire avait perçu la TPS et la TVQ sur ses honoraires avant d'avoir obtenu ses numéros d'inscription et sans en faire remise. Au courant de l'année 2008, elle régularise la situation avec les autorités fiscales compétentes. Le Conseil impose une période de radiation temporaire d'un (1) mois sur chacun des chefs de façon concurrente, et ce, en se fondant sur l'article 156 al. 2 du Code des professions. Le Conseil n'ordonne pas la publication d'un avis de radiation. En 2013, le Tribunal des professions, statuant en appel de la décision sur culpabilité du Conseil, acquitte la professionnelle de toutes les infractions. En 2015, la Cour supérieure, confirmée par la Cour d’appel[2], annule la décision du Tribunal, rétablit la condamnation et retourne le dossier devant le Tribunal des professions pour que soit entendu l’appel sur sanction.

Devant la présente formation du Tribunal, la professionnelle prétendait que la période de radiation temporaire prévue par l'article 156 al. 2 du Code des professions ne s'applique pas à son cas. En effet, elle soutient que la sanction minimale ne peut être applicable, car elle a été déclarée coupable d'un acte dérogatoire à l'honneur et à la dignité de la profession, conformément à l'article 59.2 du Code des professions, et non d'une infraction d'appropriation ou d'utilisation des sommes à des fins autres, prévues à des dispositions spécifiques de la même loi.

Le Tribunal ne retient pas les arguments de la professionnelle.  En effet, selon lui, le fait que le Conseil ait utilisé comme lien de rattachement juridique l'article 59.2 du Code des professions ne modifie pas l'essence de l'infraction, soit « d'avoir détourné ou utilisé à des fins autres [des sommes d'argent] ».  La Cour supérieure a clairement déterminé que l'acte dérogatoire posé par la professionnelle est d'avoir utilisé à des fins autres les sommes remises pour le remboursement des taxes aux autorités fiscales.  De plus, l'article 156 al. 2 du Code des professions ne réfère pas à une disposition de rattachement particulière, mais à des gestes posés par le professionnel.  Si le législateur avait voulu que la disposition ne soit applicable qu'à des articles précis, il l'aurait mentionné spécifiquement, comme il le fait pour l'article 59.1 du Code des professions.

En conclusion, nous retenons de cette affaire que la sanction minimale prévue à l'article 156 al. 2 du Code des professions est applicable pour toute infraction d'utilisation à des fins autres des sommes d'argent, sans qu'il ne soit nécessaire que le lien de rattachement soit une disposition spécifique à cet effet.  De plus, il est intéressant de mentionner que la Cour supérieure et la Cour d'appel[3] ont déterminé qu'un professionnel qui ne remet pas les taxes perçues sur ses honoraires au gouvernement commet une infraction d'utilisation de sommes d’argent à des fins autres, et ce, en considération du fait que les clients ne versent cet argent qu’à une seule fin.

[1] Bourassa c. Notaires (Ordre professionnel des), 2016 QCTP 147 et Notaire (Ordres professionnel des) c. Bourassa, 2016 QCTP 148.

[2] Gareau c. Tribunal des professions, 2015 QCCS 82 et Bourassa c. Gareau, 2015 QCCA 431.

[3] Id.