Dans la présente affaire[1], le Tribunal des professions (ci-après le « Tribunal ») est saisi d’une requête de la professionnelle pour prolongation du délai d’appel des décisions sur culpabilité et sanction respectivement rendues les 2 décembre 2015 et 18 avril 2016 par le Conseil de discipline de la Chambre des notaires du Québec (ci-après le « Conseil »). Les faits de cette affaire se détaillent comme suit. L’appelante fut déclarée coupable de trois (3) chefs d’infraction lui reprochant d’avoir modifié et/ou altéré un testament, un codicille et des chèques tirés du compte d’une succession et se vit imposer une radiation permanente. Le 19 avril 2016, la secrétaire adjointe du Conseil notifie à l’appelante la décision sur sanction. Le 23 juin 2016, un avis d’appel est signifié à la syndique. Le 18 juillet 2016, la syndique signifie une requête en rejet d’appel sur la base du fait que celui-ci fut interjeté à l’extérieur du délai de 30 jours prévu à l’article 164 du Code des professions. Cette requête est accueillie le 19 septembre 2016. La professionnelle s’adresse maintenant au Tribunal afin de lui demander de prolonger son délai d’appel. L’intimée plaide quant à elle la chose jugée, affirmant que le jugement rendu le 19 septembre 2016 est de nature à sceller définitivement le débat qui ne peut revivre sous la forme d’une requête amendée en prolongation du délai d’appel. Le litige soulève deux questions :
- L’appelante peut-elle se pourvoir en appel malgré le jugement du 19 septembre 2016, rejetant l’appel sur culpabilité et sanction?
- Dans l’affirmative, l’appelante peut-elle obtenir la permission d’en appeler hors délai?
De prime abord, le Tribunal expose le cadre juridique applicable. Rappelant les propos de la Cour d’appel dans l’affaire Verreault[2], le Tribunal retient que l’article 165 du Code des professions lui permet de s’inspirer de l’article 363 du Code de procédure civile, RLRQ, c. C-25.01 pour accorder une permission d’appeler hors délai, d’autant plus que le délai imposé par l’article 164, toujours selon la Cour d’appel, n’en est pas un de rigueur. Le Tribunal traite ensuite de l’argument afférent à la chose jugée en citant les propos suivants de la Cour supérieure[3]: « […] Ce n’est pas parce que le Tribunal des professions a rejeté un appel pour vice de procédure lors de la signification d’une requête en appel qu’il serait désormais forclos d’entendre une demande pour permission d’en appeler hors délai. Dans un contexte comme celui-ci, le principe de la chose jugée ne s’applique pas ». Pour le Tribunal, donc, l’objet du jugement rendu le 19 septembre 2016 est différent de celui qu’il est appelé à rendre en l’instance. Il convient donc d’étudier la deuxième question en litige. Les conditions donnant ouverture à une permission d’appeler hors délai sont les suivantes : (1) l’appelante a été dans l’impossibilité d’agir en temps utile; (2) il ne s’est pas écoulé plus de six mois depuis la date du jugement dont on souhaite faire appel et (3) l’appel doit avoir des chances raisonnables de succès. Pour le Tribunal, tous ces critères sont remplis. En effet, l’appelante a été dans l’impossibilité d’agir en temps utile puisque bien qu’elle ait manifesté son intention d’appeler des décisions de première instance dès la réception de la décision sur sanction, son procureur a quant à lui erré dans l’interprétation des dispositions applicables du Code des professions et a interjeté l’appel hors délai. Le délai de six (6) mois étant respecté, le Tribunal devait juger des chances de succès de l’appel. D’entrée de jeu, le Tribunal constate que l’appelante soulève plusieurs erreurs, dont notamment dans l’appréciation du fardeau de la preuve, l’insuffisance de motivation et une mauvaise pondération des facteurs applicables sur sanction. Rappelant que la prudence est de mise dans de pareilles situations, le Tribunal émet l’opinion qu’il ne peut, à ce stade préliminaire, considérer que cet appel est voué à l’échec. Il accueille ainsi la requête dont il est saisi. Nous retenons de cette affaire que le jugement accueillant une requête en rejet d’appel sur la base du non-respect du délai de 30 jours prévu au Code des professions n’équivaut pas à une fin de non-recevoir pour le professionnel visé par ce jugement, lequel pourra toujours obtenir la prolongation de son délai d’appel par une requête subséquente au jugement sur rejet d’appel en prouvant qu’il a été dans l’impossibilité d’agir à l’intérieur des délais légalement prescrits. À cet effet, et tel que le rappelle le Tribunal, l’erreur de l’avocat peut, dans certains cas, constituer une impossibilité d’agir plus tôt[4].
[1] Gélinas c. Notaires (Ordre professionnel des), 2017 QCTP 17.
[2] Tribunal des professions c. Verreault, [1995] R.D.J. 360.
[3] Brouillette c. Québec (Tribunal des professions), 2002 CanLII 11548 (QCCS).
[4] Audet c. Notaires, 1999 QCTP 105 (CanLII).