Récemment, la Cour d’appel du Québec a eu l’opportunité de revenir sur des questions qui ne se posent pas si fréquemment dans notre pratique, à savoir le privilège relatif au litige ainsi que le secret professionnel de l’avocat.
L’audition à la base du recours en contrôle judiciaire devant la Cour supérieure, faisant l’objet d’un appel devant la Cour d’appel, concernait une requête en arrêt des procédures reprochant à la Plaignante de ne pas avoir divulgué l’existence et le contenu d’une expertise obtenue d’un tiers après le dépôt d’une plainte disciplinaire.
Les faits sont les suivants. En préparation de l’audition, et devant des divergences d’opinion entre l’expert de la partie plaignante et celle de la partie intimée, la Syndique et son avocate, à l’occasion de deux conversations téléphoniques, consultent deux tiers possédant des connaissances spécialisées en implantologie dentaire. Bien que non divulguée à la partie intimée, celle-ci en apprendra l’existence.
Lors de l’audition de la requête, des objections seront formulées à l’égard de plusieurs questions de l’intimé, invoquant le privilège relatif au litige et/ou le secret professionnel de l’avocat. Alors que certaines objections seront maintenues, d’autres, notamment quant aux noms des tiers consultés et la nature des propos tenus par ces derniers, seront rejetées. Le Conseil de discipline étant d’avis que le privilège relatif au litige devait en principe recevoir application, il fût décidé qu’en l’espèce, en raison de l’importance de l’obligation de divulgation de la preuve et du droit à une défense pleine et entière, les avis de ces tiers devaient échapper aux communications privilégiées.
La Cour supérieure avalisera dans un premier temps la décision du Conseil de discipline relativement aux objections fondées sur le privilège relatif au litige, étant également d’avis que l’importance accordée à la divulgation de la preuve devait primer sur le privilège, autrement applicable. Elle fonda sa décision sur l’arrêt Lizotte[1] de la Cour suprême du Canada, rappelant les quatre exceptions à ce privilège, soit la sécurité publique, les communications de nature criminelle, le cas où l’innocence de l’accusé est en jeu et l’abus de procédure ou la conduite répréhensible.
Dans un deuxième temps, et quant aux objections fondées sur le secret professionnel, la Cour supérieure estima que le Conseil de discipline avait erré en concluant que l’obligation de divulgation l’emportait, et ce, sans avoir examiné la question de savoir si la levée était nécessaire pour établir l’innocence d’un accusé, seule exception au principe. La Cour rappelle que le test établi par la Cour suprême du Canada dans Brown[2] et McClure[3] requière qu’il existe un risque véritable qu’une déclaration de culpabilité injustifiée soit prononcée pour procéder à une telle levée. Cette situation étant rare, sa levée ne devrait être prononcée qu’en dernier recours. Le test n’ayant pas été appliqué par le Conseil de discipline, la Cour supérieure renvoya le dossier en première instance afin que celui-ci soit appliqué.
La Cour d’Appel confirmera en premier lieu que la Cour supérieure a utilisé la bonne norme de contrôle, à savoir celle de la décision correcte, tant pour la question relative au secret professionnel de l’avocat que celle relative au privilège relatif au litige, en rappelant qu’il s’agit de questions d’importance capitale pour le système juridique.
Elle confirmera ensuite la décision de la Cour supérieure relativement à la question du secret professionnel de l’avocat, qu’elle considèrera comme « sans faille », mais renversera celle concernant le privilège relatif au litige. En effet, la Cour d’Appel est d’avis que deux erreurs ont été commises par la Cour supérieure. La première était d’avoir fondé sa décision sur l’exception relative à l’innocence de l’accusé alors qu’elle n’était pas invoquée. C’est plutôt l’exception relative à l’abus de procédure qui était allégué par l’intimé. La deuxième était de s’être appuyée sur l’exception relative à l’abus de procédure et la conduite répréhensible, sans qu’une preuve prima facie d’un comportement répréhensible de la part de la Syndique n’aille été démontré, critère établi dans l’arrêt Blank[4]. La Cour d’Appel jugea que cette preuve était absente du dossier.
Nous pouvons donc retenir de cet arrêt que le droit au secret professionnel de l’avocat est plus grand que celui du privilège relatif au litige. Il est quasi absolu et ne souffre que d’une seule exception, lorsque l’innocence de l’accusé est en cause, et dont la démonstration est exigeante pour en justifier la levée.