Infirmières et infirmiers auxiliaires (Ordre professionnel des) c. Roy, 2024 QCCDIA 5 (CanLII)[1]
Les faits
L’Intimée est accusée, notamment, d’avoir transgressé les limites de sa relation professionnelle avec un patient. Elle reconnait sa culpabilité face aux chefs d’infraction suivants :
« (…) 2. Entre le ou vers le mois de septembre 2022 et le ou vers le mois de juin 2023, sur le territoire du CISSS de […], a établi des liens amicaux et/ou intimes avec le patient [A], le tout contrairement à l’article 46 du Code de déontologie des infirmières et infirmiers auxiliaires (Chap. C-26, r. 153.1) et à l’article 59.2 du Code des professions (Chap. C-26);
3. Entre le ou vers le mois d’octobre 2022 et le ou vers le mois de décembre 2022, sur le territoire du CISSS de […], a eu des relations sexuelles avec le patient [A], le tout contrairement à l’article 46 du Code de déontologie des infirmières et infirmiers auxiliaires (Chap. C-26, r. 153.1) […] et à l’article 59.2 du Code des professions (Chap. C-26); » (paragraphe 12)
Il ne s’agit pas d'infractions visées par l’article 59.1 du Code des professions. En effet, « (l)a preuve ne révèle pas d’abus de la relation professionnelle au sens des enseignements du Tribunal des professions dans l’affaire Denis c. Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des) » (paragraphe 26) .
La liste des facteurs atténuants est particulièrement importante (paragraphes 33-36) :
- absence d’antécédent disciplinaire;
- admission des faits à son employeur et ensuite au plaignant;
- plaidoyer de culpabilité, à la première occasion;
- manifestation de remords et des regrets sincères;
- participation volontaire à un programme d’aide aux employés et à un suivi psychosocial;
- suspension sans solde pour une période de 6 mois, par son employeur;
- risque de récidive jugé faible.
Les parties proposent une recommandation conjointe sur sanction. Quant aux chefs pertinents, les suggestions sont les suivantes (paragraphe 7) :
- chef #2 : 9 mois de radiation;
- chef #3 : 24 mois de radiation;
- les radiations devant être purgées de manière concurrente.
La question de droit
La recommandation conjointe sur sanction déconsidère-t-elle l’administration de la justice ou est-elle d’une autre façon contraire à l’intérêt public ?
L’analyse et la décision du Conseil de discipline
Le Conseil de discipline présente le contexte; cite l’Énoncé conjoint des faits présenté par les parties; rappel le critère d’analyse en matière de recommandation conjointe sur sanction; applique ce critère aux faits en l’espèce et conclut que la recommandation, considérée dans son ensemble, ne déconsidère pas l’administration de la justice et n’est pas contraire d’une autre façon à l’intérêt public.
Nos commentaires
Il est intéressant de noter que malgré tous les facteurs atténuants présents dans ce dossier, la gravité objective des transgressions de la frontière professionnelle, même en l’absence d’abus au sens de l’article 59.1 du Code des professions, justifie des périodes de radiation sévères.
Voici une autre illustration du principe, énoncé par la Cour d’appel du Québec dans l’affaire Marston c. Autorité des marchés financiers, 2009 QCCA 2178, voulant que : « la gravité objective d’une faute donnée ne devrait jamais être subsumée au profit de circonstances atténuantes relevant davantage de la personnalité du praticien que de l’exercice de la profession »