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Dans la présente affaire[1], le tribunal était saisi d’un appel sur sanction déposé par Dr François Bissonnette (ci-après « Appelant ») concernant la décision sur sanction rendue le 30 décembre 2019 par le Conseil de discipline du Collège des médecins du Québec (ci-après « Conseil ») lui imposant une radiation temporaire de quatre (4) mois pour avoir, sans la connaissance et le consentement de sa patiente et sans égard au consentement opératoire réellement donné, procédé à  une intervention chirurgicale à son égard, contrevenant aux articles 28 et 29 du Code de déontologie des médecins (RLRQ, c. M-9, r. 17).

 

L’Appelant est d’avis que le Conseil a commis des erreurs manifestes et déterminantes lors de la détermination de la sanction.

 

La trame factuelle est la suivante : le 15 mars 2013, à l’hôpital Saint-Luc de Montréal, l’appelant pratique une intervention chirurgicale qui consiste à l’ablation de l’ovaire gauche, des deux trompes de Fallope et d’une lyse d’adhérences pelviennes chez sa patiente. Cependant, cette dernière avait donné son consentement uniquement pour l’intervention visant son côté gauche. Il appert que l’intervention s’est avérée nécessaire pour le côté droit, mais que l’appelant n’a pas obtenu le consentement distinct de sa patiente et ni retardé l’intervention chirurgicale du côté droit. Les experts estiment que l’appelant a pratiqué les interventions selon les règles de l’art et qu’elles n’ont pas eu comme conséquence de rendre la patiente stérile puisqu’elle l'était déjà avant l’intervention.

 

La décision du Conseil de discipline fait état du fait que l'Appelant a recommandé de se voir imposer une période de radiation temporaire d'un (1) mois tandis que, quant à lui, l'Intimé était plutôt d’avis qu’une radiation temporaire de six (6) mois s’imposait. Guidé par les principes applicables en matière de sanction, le Conseil estime qu'au niveau de la gravité objective de l'infraction, la conduite de l'appelant est sérieuse et mine la confiance du public à l'égard de la profession. Deuxièmement, il pondère les facteurs subjectifs pertinents et souligne l'importance à accorder aux circonstances atténuantes. Enfin, le Conseil procède à l'étude des précédents. Il estime que la fourchette des sanctions en la matière lui permet d'imposer une période de radiation dont l'échelle varie entre deux (2) et six (6) mois, ce qui l'amène à écarter les suggestions des parties et à prononcer une radiation temporaire de quatre (4) mois.

 

Le Tribunal rappelle que son intervention n’est justifiée que si le Conseil a commis une erreur de principe qui a une incidence sur la détermination de la sanction ou si elle est manifestement non indiquée. L'erreur de principe correspond à « l'erreur de droit, l'omission de tenir compte d'un facteur pertinent ou encore la considération erronée d'un facteur aggravant ou atténuant ». Sur la justesse de la sanction, le Tribunal doit intervenir, même en l'absence d'erreur de principe, lorsque celle-ci s'écarte de façon marquée et substantielle des sanctions généralement infligées à des contrevenants similaires ayant commis des manquements déontologiques semblables. Cependant, un conseil de discipline qui énonce des motifs justifiant les raisons pour lesquelles il s'écarte de la fourchette des sanctions en la matière ne rend pas nécessairement une sanction inappropriée. Les fourchettes sont des lignes directrices et non pas des carcans.

 

L’Appelant précise que le Conseil aurait dû considérer notamment le fait que l'intervention s'est effectuée dans le respect des règles de l'art et qu’il s'est préoccupé de son bien-être, tout comme le fait que la patiente n’a subi aucune conséquence réelle. Selon le Tribunal, la préoccupation de l'Appelant pour le bien-être de sa patiente est un facteur neutre et le Conseil ne pouvait le qualifier de facteur atténuant. Quant à l’absence de conséquences pour la patiente, ce constat est erroné. En effet, la patiente a subi des séquelles psychologiques résultant de l’intervention chirurgicale lesquelles devaient être traitées par le Conseil comme une circonstance aggravante. Quant au fait que l’opération s’est effectuée dans le respect des règles de l’art, le tribunal souligne que le fait qu'un acte médical soit réalisé selon les règles de l'art est une attente normale. Cela n'atténue en rien la gravité de la faute déontologique qui consiste à l'avoir réalisé sans la connaissance et le consentement de la patiente. Dans le présent dossier, l'exercice de pondération rencontre les principes de proportionnalité. Il tient compte à la fois de la gravité de la faute disciplinaire et du degré de responsabilité du professionnel.

 

L’Appelant est aussi d’avis que le Conseil commet une erreur de principe dans l'établissement de la fourchette des sanctions. Or, selon le Tribunal, il appartient au Conseil de déterminer, parmi les décisions que les parties lui ont soumises, celles qu'il retient. L'exercice ne requiert pas d’analyser et de commenter chacune des décisions soumises. L'intervention présuppose que le Conseil a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon déraisonnable. Ce n'est manifestement pas le cas dans le présent dossier, en ce que le Conseil retient les décisions qu'il considère comme justes et appropriées. Dans le présent dossier, la sanction imposée ne s'écarte pas de la fourchette des sanctions, l'Appelant omettant d'en faire la démonstration.

 

Le Tribunal termine en rappelant que « les normes déontologiques régissant un professionnel doivent avant tout protéger le public. Ainsi, une sanction disciplinaire doit répondre d'abord à l'impératif de la protection du public.  ».

 

Nous retenons principalement de cette affaire que les principes régissant l’intervention du Tribunal en matière de sanction concordent avec celle prévalant en matière criminelle et pénale, principes qui commandent une grande déférence de la part du tribunal d’appel.

 

[1] Bissonnette c. Médecins (Ordre professionnel des), 2022 QCTP 20.