Dans la présente affaire[1], le Tribunal des professions (ci-après « Tribunal ») était saisi d’un appel déposé par le Dr Benoît Dansereau (ci-après « Appelant ») concernant la décision sur culpabilité rendue le 25 février 2020 par le Conseil de discipline du Collège des médecins du Québec (ci-après « Conseil ») l’ayant reconnu coupable d’avoir fait défaut d’avoir une conduite irréprochable à l’égard de madame A, une secrétaire avec laquelle il était entré en relation dans l’exercice de sa profession, contrevenant ainsi à l’article 17 du Code de déontologie des médecins. L’Appelant interjette également appel de la décision sur sanction rendue le 30 octobre 2020 par le Conseil et lui imposant une radiation temporaire de 15 mois.
Pour les fins du présent résumé, nous nous attarderons uniquement à l’appel sur culpabilité sont les motifs sont l’insuffisance des motifs et l’erreur qu’aurait commis le Conseil dans l’appréciation des témoignages, plus particulièrement celui de Madame A et de l’Appelant.
La trame factuelle est la suivante : l’Appelant est spécialiste en obstétrique et gynécologie depuis 1990. Madame A, âgée de 20 ans, effectue un stage de trois semaines à la clinique où exerce l’Appelant, à la suite duquel elle devient une secrétaire-pivot notamment pour ce dernier. À plusieurs reprises entre le 22 mai et le 9 juillet 2018, l’Appelant félicite Madame A pour son travail, la complimente sur son apparence physique et/ou lui touche la main lors de la remise de certains dossiers. Le 9 juillet 2018, l’Appelant demande à deux reprises à Madame A de se présenter à son bureau. Lorsqu’elle s’y présente, l’Appelant lui dit qu’elle fait vraiment du beau travail et mentionne qu’il est attiré par elle. Il ajoute que parfois dans la vie « des niaiseries se produisent dans notre tête et que l’on pense à d’autres personnes ». Malgré ses tentatives de changer de sujet, ce dernier lui demande s’il peut sentir son parfum, ce à quoi elle finit par répondre « OK…ouin… ». Il s’approche d’elle, sent son cou, lui prend les bras puis l’embrasse dans le cou. Selon Madame A, il lui donne quatre becs en descendant vers sa poitrine alors que l'Appelant mentionne plutôt lui avoir donné « un bec de sœur ».
Concernant les motifs de cette décision, l’Appelant allègue notamment que le Conseil n’a pas suffisamment motivé son analyse des témoignages contradictoires des témoins principaux en ce qu’il a omis de considérer des éléments de preuve pertinents et non contredits. Le Tribunal rappelle les principes élaborés dans l’arrêt Camko[2] soit que l’obligation de motiver n’impose pas de démontrer explicitement que le décideur a tenu compte de tous les éléments de preuve. Il ajoute que le juge de première instance n’est pas tenu d’analyser chaque argument ou problème allégué pour arriver à une conclusion en particulier. Il n’a pas non plus à mentionner ni à relater les faits de manière exhaustive, selon un mode microscopique et il peut rapporter seulement ce qui lui paraît le plus important, sans fausser la preuve. De plus, la jurisprudence reconnaît que l'exigence de la motivation laisse une latitude certaine au décideur de première instance dans l'expression de ses explications. L'implicite a en effet sa place dans une décision. En l’espèce, le Tribunal conclut que les explications du Conseil permettent de comprendre pourquoi ce dernier a écarté la version de l’Appelant au profit de celle de Madame A.
Concernant l’appréciation de la crédibilité des témoins, l’Appelant soutient que le Conseil a négligé de procéder à une analyse rigoureuse et qu’il a appliqué un cadre analytique partial et biaisé de la crédibilité des témoins. Le Tribunal débute en rappelant que le Conseil est le mieux placé pour apprécier la crédibilité des témoins entendus à l’audience et qu’il ne peut intervenir qu’en présence d’une erreur manifeste et dominante. En effet, cette appréciation des témoignages est au cœur de l’exercice du pouvoir discrétionnaire du Conseil. Selon le Tribunal, le rôle du Conseil est d’évaluer les deux versions contradictoires des témoins et d’expliquer pourquoi il en retient une au détriment de l’autre sans cliché ou idée préconçue. Or, l'Appelant invite ici le Tribunal à réexaminer non seulement la preuve, mais la crédibilité des témoins, ce qui n’est pas son rôle. Le Tribunal est d’avis que les conclusions du Conseil trouvent appui dans la preuve administrée et que l'Appelant n’a démontré aucune erreur déterminante permettant l’intervention du Tribunal.
Nous retenons de cette affaire que l’obligation de motiver une décision n’impose pas de démontrer explicitement que le Conseil a tenu compte de tous les éléments de preuve pour arriver une conclusion en particulier. Ce dernier peut rapporter seulement ce qui lui paraît le plus important, sans fausser la preuve. Nous retenons également que le Conseil est le mieux placé pour apprécier la crédibilité des témoins entendus à l’audience et que son rôle est d’évaluer la crédibilité des témoignages et d’expliquer, sans cliché ou idée préconçue, pourquoi il retient un témoignage au détriment de l’autre.