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Dans la présente affaire[1], le Tribunal des professions (ci-après « Tribunal ») entend la requête en sursis d’ordonnance de radiation provisoire interjetée par Jean Petit (ci-après « Appelant »). À la demande des parties, cette requête est entendue en même temps qu’une autre requête de l’Appelant en sursis d’ordonnance de radiation temporaire[2].

Les faits sont les suivants. À la suite de deux visites d’inspection comptable, le Service d’inspection professionnelle du Barreau du Québec avise le bureau du syndic que l’Appelant n’a pas déposé dans son compte en fidéicommis les avances reçues d’un client et qu’il a transféré de son compte en fidéicommis vers son compte d’administration une somme alors que le travail n’était pas exécuté. Après avoir complété une enquête, Daniel Gagnon, syndic adjoint du Barreau du Québec (ci-après « Intimé ») dépose une plainte contre l’Appelant. Ce dernier est déclaré coupable et le Conseil de discipline du barreau du Québec (ci-après « Conseil ») lui impose, sur certains chefs, des périodes de radiation temporaire de deux mois à être purgées de façon concurrente. L’Appelant demande un sursis d’exécution desdites périodes de radiation temporaire.

L’effet combiné des articles 156 et 166 du Code des professions (ci-après « C prof ») fait en sorte qu’il y a exécution immédiate, nonobstant appel, d’une période de radiation temporaire imposée par un conseil de discipline lorsque ce dernier déclare un professionnel coupable de s’être approprié sans droit des sommes d’argent qu’il détient pour le compte d’un client.

Afin de déterminer s’il y a lieu d’accorder le sursis d’exécution, certains critères doivent être examinés par le Tribunal soit (1) économie de la loi, (2) faiblesse apparente des décisions attaquées, (3) préjudice sérieux et (4) circonstances exceptionnelles.

Sous le premier critère, le législateur a choisi de rendre exécutoires nonobstant appel certaines radiations temporaires en raison de la nature même des actes reprochés, comme c’est le cas en l’espèce. Ce critère ne milite donc pas en faveur du sursis recherché par l’Appelant.

Sous le deuxième critère, le Tribunal conclut que l’examen sommaire des décisions visées par l’appel ne permet pas de déceler de faiblesse apparente, c’est-à-dire une faiblesse qui « saute aux yeux ». Toutefois, le Tribunal prend acte du fait que certains motifs d’appel soulèvent des questions de principe, comme l’équité procédurale et qu’il s’agit de questions sérieuses et parfois même nouvelles. Ces constats viennent tempérer les conséquences pouvant découler de l’absence de faiblesse apparente.

Sous le troisième critère, le Tribunal estime qu’il est manifeste que la courte radiation temporaire de deux mois sera complètement purgée bien avant l’audition de l’appel qui deviendra alors théorique. De plus, en vertu d’une proposition concordataire homologuée par la Cour supérieure, l’Appelant doit verser 2 000 $ par mois jusqu’en février 2022. Privé de revenus, il pourrait être en violation de ses engagements et même devoir envisager une faillite. Selon le Tribunal, ces facteurs doivent être pris en compte.

Sous le dernier critère, le Tribunal doit considérer deux circonstances exceptionnelles. Premièrement, un sursis d’exécution a été accordé à l’Appelant dans un autre dossier mu entre les mêmes parties et pour des infractions de même nature[3]. Par souci de logique et de constance dans les jugements rendus, le Tribunal juge qu’il est difficilement concevable d’en arriver à une conclusion contraire dans le présent dossier. Deuxièmement, lors de l’audition de sa requête, l’Appelant a signé et déposé un document dans lequel il s’engage à ne pas ouvrir de compte en fidéicommis seul, mais plutôt de façon conjointe avec un autre avocat, assurant ainsi une meilleure protection du public.

Après avoir procédé à la pondération de l’ensemble des facteurs évoqués, le Tribunal conclut que la demande de sursis d’exécution est justifiée.

Nous retenons de cette décision qu’en présence d’une période de radiation d’une durée de quelques mois, le critère du préjudice irréparable et la balance des inconvénients se voit accorder une considération importante dans l’exercice de la discrétion judiciaire.

[1] Petit c Avocats (Ordre professionnel des), 2018 QCTP 79.

[2] Petit c Avocats (Ordre professionnel des), 2018 QCTP 80.

[3] Petit c Avocats (Ordre professionnel des), 2018 QCTP 50.