Dans la présente affaire[1], le Tribunal des professions (ci-après « Tribunal ») entend l’appel interjeté par Claude Maurer, en sa qualité de syndic adjoint (ci-après « Appelant ») qui conteste la décision du Conseil de discipline de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec (ci-après « Conseil ») de rejeter la plainte disciplinaire.
Les faits sont les suivants. En janvier 2011, l’Intimé consomme de la cocaïne. À court d’argent pour se procurer de la drogue, il se rend chez un ami avec qui il entretient une relation amicale ou amoureuse. Pendant la soirée, il boit du vin et consomme encore de la cocaïne. Ils ont ensuite une relation sexuelle durant laquelle son ami outrepasse le consentement de l’Intimé. Intoxiqué, l’Intimé poignarde son ami à plusieurs reprises. Il retourne ensuite chez lui, met ses vêtements au lavage et se rend à son travail où il assiste à une réunion. En janvier 2015, l’Intimé plaide coupable aux trois chefs d’accusation qui pèsent contre lui. Il est notamment condamné à 7 ans d’emprisonnement pour voies de fait graves.
L’Appelant dépose une plainte reprochant à l’intimé d’avoir contrevenu à l’article 149.1 du Code des professions (ci-après « C prof »). L’Intimé participe à l’audience par visioconférence. Il enregistre un plaidoyer de culpabilité et confirme être en accord avec la suggestion de l’Appelant pour qu’une période de radiation de trois ans lui soit imposée. Toutefois, le Conseil conclut que les infractions criminelles pour lesquelles l’Intimé a été reconnu coupable n’ont pas de lien avec l’exercice de la profession de comptable et qu’il n’y a donc pas lieu d’imposer de sanction. Voyant sa plainte rejetée, l’Appelant se pourvoit devant le Tribunal afin que soit infirmée cette décision.
Dans un premier temps, le Tribunal rappelle le test en deux étapes de l’affaire Thivierge[2] visant à établir l’existence ou non d’un lien avec l’exercice de la profession. Ce test consiste à (1) examiner la nature des infractions dont le professionnel a été reconnu coupable, leur gravité de même que les circonstances entourant leur commission, et ce, en relation avec les qualités essentielles à l’exercice de cette profession et (2) si un lien existe, c’est alors qu’est considérée la pratique spécifique du professionnel afin de décider s’il est opportun d’imposer des sanctions et, le cas échéant, lesquelles.
Concernant la première étape, le Tribunal conclut que le Conseil commet une erreur en limitant son analyse à une simple juxtaposition de la nature de chaque infraction criminelle d’une part et la nature des actes professionnels qu’un comptable est appelé à poser, d’autre part. Le Conseil devait pousser plus loin son analyse et examiner la gravité des infractions, de même que les circonstances entourant leur commission, et ce, en lien avec les fondements de la profession. Donnant raison à l’Appelant, le Tribunal estime que la conduite de l’Intimé heurte de plein fouet les qualités fondamentales d’honnêteté, d’intégrité, de sincérité et de probité attendues de l’exercice de la profession de comptable. Le public est en droit de s’attendre à de hauts standards d’intégrité et de probité quand il traite avec des professionnels de la comptabilité. Pour ces raisons, le Tribunal conclut que les infractions criminelles pour lesquelles l’Intimé a été reconnu coupable sont en lien avec l’exercice de sa profession.
Concernant la deuxième étape, le Tribunal décide de retourner le dossier au Conseil afin qu’il détermine s’il y a lieu d’imposer à l’Intimé une ou des sanctions disciplinaires et, si oui, lesquelles.
Nous retenons de cette décision que c’est à partir d’un tableau complet de la situation qu’un conseil de discipline doit se prononcer sur l’existence ou non d’un lien avec l’exercice de la profession vu dans l’optique des qualités fondamentales requises pour l’exercer. Cette première étape du test réfère donc à la raison d’être de la profession concernée.
[1] Comptables professionnels agréés (Ordre des) c Nareau, 2018 QCTP 60.
[2] Avocats (Ordre professionnel des) c Thivierge, 2018 QCTP 23.