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Dans la présente affaire, le professionnel Luc Martineau (ci-après « Appelant ») demande au Tribunal des professions (ci-après « Tribunal ») d’ordonner la suspension de l’exécution de la décision sur sanction rendue le 2 mars 2018 par le Conseil de discipline de l’Ordre des acupuncteurs du Québec (ci-après « Conseil ») qui lui imposait une radiation temporaire de 5 ans et 7 500$ d’amende.

Les faits sont les suivants. Le 1er octobre 2016, M. Guilhem Durand, en sa qualité de syndic de l’Ordre des acupuncteurs du Québec (ci-après « Intimé »), dépose contre l’Appelant une plainte. Des huit chefs contenus à la plainte, le Conseil déclare l’Appelant coupable de cinq chefs, notamment d’avoir tenu des propos et posé des gestes abusifs à caractère sexuel envers une patiente en contravention de l’article 59.1 du Code des professions (ci-après « C prof »). Une décision sur sanction portant sur ce type d’infractions est exécutoire nonobstant appel sauf si, dans l’exercice de sa discrétion, le Tribunal décide exceptionnellement d’y surseoir. Toutefois, cette discrétion est balisée par quatre critères, à savoir (1) l’économie de la loi, (2) la faiblesse apparente de la décision attaquée, (3) l’existence de circonstances exceptionnelles et (4) un préjudice irréparable et la balance des inconvénients. Qu’en est-il en l’espèce.

Concernant le premier critère, le Tribunal souligne d’emblée que l’article 166 C prof, qui vise l’exécution provisoire d’une sanction lors d’un appel, est sans équivoque. En effet, en raison de la gravité de l’infraction que l’on retrouve à l’article 59.1 C prof, il est spécifiquement prévu qu’une sanction imposée suite à ce type de contravention déontologique doit faire l’objet d’une exécution provisoire. En ce sens, l’économie de la loi ne milite pas en faveur du sursis recherché. Quant au deuxième critère, le Tribunal rappelle qu’au stade du sursis, ce dernier doit déterminer si les décisions du Conseil souffrent d’une faiblesse apparente, c’est-à-dire une faiblesse qui « saute aux yeux » à la simple lecture du jugement, des moyens d’appel, des procédures et des pièces produites. Or, l’Appelant soulève des arguments sur lesquels il est impossible pour le Tribunal de se prononcer au stade du sursis. Ainsi, à la lecture des décisions du Conseil et avec la preuve actuellement disponible, le Tribunal ne peut conclure à une faiblesse apparente des décisions. Troisièmement, l’Appelant soulève le long délai entre la connaissance des faits par l’Intimé et le dépôt de la plainte pour soutenir que ce dernier ne considérait pas que le maintien de sa pratique était un danger pour la protection du public. Quoique le Tribunal reconnaisse le bienfondé de cet argument, il conclut qu’il ne s’agit pas là de circonstances exceptionnelles. Finalement, l’Appelant souligne qu’il a 62 ans et qu’une telle radiation aura pour effet de terminer sa carrière, privant du même coup 1 200 patients de ses services. Le Tribunal reconnait que son préjudice est indéniable, mais réitère que l’âge n’est pas un facteur déterminant. Au surplus, il s’agit pour l’Appelant d’une troisième plainte disciplinaire de cette nature, ce qui, pour le Tribunal, dissipe toute hésitation à le priver de l’exercice de sa profession. En effet, la protection du public a préséance. La demande en sursis est donc rejetée.

Nous retenons de cette décision qu’une faiblesse apparente est celle qui saute aux yeux du Tribunal à la simple lecture des décisions du Conseil, des moyens d’appel, des procédures et des pièces produites. En ce sens, au stade du sursis, il n’est pas question d’examiner le mérite des arguments de l’Appelant puisque ce rôle revient à une formation de 3 juges du Tribunal, qui verra à trancher le fond de l’appel en temps utile. De même, nous retenons que l’âge du professionnel n’est pas un facteur déterminant en ce qui concerne l’exécution provisoire. De même, il importe de nuancer l’argument en lien avec le préjudice subi par la clientèle puisque le législateur, en décrétant l’exécution provisoire de la décision sur sanction visant la contravention à l’article 59.1 C prof, ne pouvait ignorer les conséquences en découlant et a tout de même décidé d’adopter l’article 166 C prof.