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Dans cette affaire[1], le tribunal était saisi d’un appel déposé par M. Biagio Maiorino (ci-après « l’Appelant »), concernant une décision sur culpabilité rendue le 17 décembre 2019 et d’une décision sur sanction rendue le 19 novembre 2020 par le Conseil de discipline de la Chambre des notaires du Québec (ci-après « le Conseil »).

 

L’Appelant conteste d’abord la décision sur culpabilité alléguant que le Conseil a commis des erreurs manifestes et dominantes en le déclarant coupable des cinq (5) chef de la plainte. L’Appelant conteste également la décision sur sanction invoquant que le Conseil a nié son droit à une défense pleine et entière en refusant de lui accorder une remise de l’audience sur sanction alors que son nouvel avocat n’était pas disponible et qu’il n’a pu assigner des témoins. L’Appelant prétend finalement que les sanctions imposées, soit des périodes de radiation temporaire sur chacun des chefs de plainte, sont punitives et disproportionnées.

 

Le Tribunal des professions (ci-après « le Tribunal ») analyse d’abord la première question et conclut qu’aucune erreur manifeste et dominante n’a été commise par le Conseil dans la détermination de la culpabilité de l’Appelant pour chacun des chefs.

 

Quant à la deuxième question en litige, le Tribunal reprend la trame factuelle qui entoure le rejet de ladite demande de remise. Sans la reprendre dans son entièreté, soulignons qu’une première demande de remise de l’Appelant est acceptée au motif de maladie de son avocat. Quelques jours avant la date d’audience prévue, un nouvel avocat comparaît pour l’Appelant, Me Petit, et formule une seconde demande de remise au motif de conflit d’horaire et du fait que l’Appelant souhaite faire entendre cinq (5) témoins qui n’ont pas été assignés. Le Conseil rend alors une décision écrite rejetant la demande de remise, retenant notamment le manque de collaboration de l’Appelant, la gravité des infractions pour lesquelles il a été reconnu coupable et la nécessité d’assurer la protection du public.

 

La journée prévue de l’audience, Me Petit est présent à l’audience virtuelle et formule de nouveau sa demande de remise en réitérant que l’Appelant souhaite faire entendre cinq (5) témoins qui n’ont pas été assignés et pour lesquels il n’a pu avoir une préparation adéquate. Me Petit souligne également les difficultés techniques de son client dont la caméra ne fonctionne pas – l’audience se tenant à distance en raison de la situation sanitaire – ainsi que les conséquences graves encourues par son client, soit une longue période de radiation temporaire. Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés dans sa décision écrite de la veille, le président du Conseil rejette la demande de remise.

 

Suite à cette décision sur la demande d’ajournement, Me Petit choisit de se retirer du dossier car il considère qu’il ne peut représenter adéquatement son client et par peur de lui nuire. L’Appelant formule alors une nouvelle demande de remise, invoquant son droit à l’avocat, son droit de faire entendre des témoins et son droit à une défense pleine et entière. Le Conseil refuse de nouveau cette demande, indiquant que sa décision a été rendue la veille. L’Appelant soulève alors la partialité du Conseil et demande sa récusation, demande qui est également rejetée. L’Appelant quitte l’audience virtuelle et le Conseil le déclare forclos.

 

Le Tribunal souligne d’abord que le droit à l’avocat est un droit fondamental et que la règle audi alteram partem, pierre angulaire de notre système juridique, peut entraîner le droit de demander une remise de l’audience pour l’une des parties. Cependant, ce droit à l’ajournement n’étant pas absolu, le tribunal a le pouvoir discrétionnaire de déterminer si cette demande est réellement nécessaire ou abusive.

 

En l’espèce, le Tribunal conclut que le président n’a pas mis en balance le droit à une défense pleine et entière, incluant le droit à l’avocat, et l’importance des répercussions auxquelles l’Appelant s’exposait en cas de rejet de la demande de remise dans l’exercice de sa discrétion quant à la demande de remise.

 

Le Tribunal souligne que malgré le comportement de l’Appelant tendant à retarder la tenue de l’audience sur sanction, le délai encouru pour se constituer un nouveau procureur suite à la première demande de remise pour cause de maladie ne peut lui être reproché. Qui plus est, bien que Me Petit ait offert des disponibilités à court terme pour la remise de l’audience, le procès-verbal de l’audience est muet si un tel exercice a été fait. Le Tribunal retient que la syndique adjointe ne subissait pas de préjudice d’une remise de l’audience dans un délai rapproché et qu’une telle remise n’aurait aucun impact significatif pour la protection du public. Il conclut que la balance des inconvénients favorisait largement l’octroi de l’ajournement et que les garanties procédurales découlant de la règle audi alteram partem ont été violées lors de l’audience du 29 octobre 2020.

 

Cette affaire démontre clairement que malgré que le droit à un ajournement ne soit pas absolu, le Conseil doit, dans le cadre de son analyse, tenir compte non seulement des exigences d’une justice administrative rapide et efficace, mais également de la protection des droits du justiciable tels que le droit à un avocat et le droit à une défense pleine et entière. Le Conseil ne peut considérer que le comportement répréhensible d’une partie constitue un obstacle infranchissable à l’obtention d’un ajournement, le critère prépondérant étant la balance des inconvénients.

 

[1] Maiorino c. Notaires (Ordre professionnel des), 2022 QCTP 8.