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Dans l’affaire Isabelle[1], le Tribunal était saisi d’un appel déposé par Mme Anik Isabelle (ci-après « Appelante »), Intimée en première instance, à l’égard des sanctions lui ayant été imposées par le Conseil de discipline de l’Ordre des Pharmaciens du Québec (ci-après « Conseil ») en lien avec 11 des 13 chefs sur lesquels elle a plaidé coupable.

Les faits sont les suivants. L’Appelante obtient son diplôme de pharmacie en 2002 et débute sa pratique au Québec. En 2010, elle obtient son droit de pratique en Colombie-Britannique et développe alors un problème de consommation et de dépendance aux opioïdes. Durant cinq (5) ans, l’Appelante connait des difficultés majeures et commet plusieurs infractions déontologiques, dont notamment la subtilisation de stupéfiants, leur remise en circulation et l’usage immodéré de substances psychotropes (chefs 1 à 7). De plus, en 2014-2015, l’Appelante entrave Mme Lynda Chartrand, syndic plaignant en première instance, dans son travail, notamment par le moyen de fausses déclarations (chefs 8 à 11).

En première instance, l’Appelante se voit imposer des périodes de radiation concurrentes de 18 mois sur les chefs 1 à 7, en plus d’une limitation de son droit d’exercer la profession d’une durée d’un (1) an couvrant le droit d’exercer en officine ou en établissement. Sur les chefs 8 à 11, l’Appelante se voit imposer des périodes de radiation d’un (1) mois à être purgées de façon consécutive, et ce, tant entre elles qu’avec la période de radiation de 18 mois. Le total de la radiation de l’Appelante se trouve à être de 23 mois, le tout suivi d’une limitation d’exercice d’une durée d’un (1) an.

L’appel soulève 2 questions :

  1. Le Conseil a-t-il erré en imposant une limitation très large du droit d’exercice pour une durée d’un an et à être purgée subséquemment aux périodes de radiation ?
  1. Le Conseil a-t-il erré en imposant des périodes de radiation consécutives, sans, de surcroit, en motiver le fondement ?

À la première question, le Tribunal répond par la négative. En effet, l’Appelante plaidait que la limitation imposée par le Conseil, vu sa portée, équivaut à une période de radiation. Pour le Tribunal, s’il est vrai que cette limitation a toutes les apparences d’une radiation temporaire déguisée, il ne peut pour autant intervenir sur cette base. Référant à l’affaire Dannell[2], le Tribunal conclut qu’une limitation imposée en vertu de l’article 156 g) du Code des professions (ci-après « C prof ») peut couvrir l’ensemble des activités professionnelles pouvant être exercées par un membre. La limitation du Conseil n’excède donc pas la portée de cette disposition.

À la deuxième question, le Tribunal répond par la positive. En effet, le Tribunal conclut que la lecture des chefs 8 à 11 démontre que ceux-ci sont (1) contemporains et (2) de nature comparable. Or, rappelle-t-il, la jurisprudence est à l’effet que les périodes de radiation doivent être concurrentes lorsque les infractions « présentent un lien étroit, découlent du même incident ou font partie d’une même opération »[3]. En l’occurrence, affirme le Tribunal, rien dans la décision ne permet de comprendre pourquoi le Conseil a décidé que les périodes de radiation d’un (1) mois sur les chefs 8 à 11 soient consécutives entre elles. Vu cette absence de motivation, le Tribunal intervient afin que ces sanctions soient purgées concurremment entre elles, mais de façon consécutive à la période de 18 mois.

Nous retenons de cette décision une nouvelle confirmation jurisprudentielle à l’effet que l’article 156 g) C prof permet aux conseils de discipline d’imposer une limitation complète du droit d’exercer des activités professionnelles, et ce, même si l’effet pratique d’une telle limitation équivaut à une radiation. De même, nous retenons l’importance, pour les conseils de discipline, de motiver leurs décisions de s’écarter de la règle relative à la concurrence des sanctions.

[1] Isabelle c. Pharmaciens (Ordre professionnel des), 2018 QCTP 33.

[2] Pharmaciens (Ordre professionnel des) c. Dannell, 2007 CanLII 81629.

[3] Néron c. Médecins (Ordre professionnel des), 2015 QCTP 31.