Dans la présente affaire[1], le Tribunal était saisi d’un appel sur sanction porté par la syndique adjointe en reprise d’instance de la Chambre des notaires du Québec concernant la décision du Conseil de discipline du même ordre professionnel (ci-après « Conseil ») de ne pas suivre des recommandations communes sur sanction présentées en première instance.
Les faits sont les suivants. M. Génier a reçu des actes notariés dans lesquels sa conjointe, également notaire, était ou représentait l’une des parties (chef #1). Ensuite, M. Génier a comparu « in trust » dans le cadre d’une succession à titre de créancier dans un acte de garantie hypothécaire reçu des minutes de son associée ayant pour objet de garantir les honoraires professionnels à venir de celle-ci dans le cadre de ladite succession (chef #2).
Lors de l’audience devant le Conseil, M. Génier a plaidé coupable et a formulé des recommandations communes sur sanction avec la partie plaignante à l’effet que lui soient imposées des amendes de 2 500$ par chef. Lors de l’audience, le Conseil a quant à lui exprimé son inconfort avec les sanctions recommandées, affirmant que celles-ci étaient « trop sévères » et que « globalement, [c’était] très élevé pour les faits ». Dans sa décision, le Conseil écarte les recommandations communes sur sanction et impose à M. Génier une amende de 1 000$ sur le chef #1 et une réprimande sur le chef #2.
En appel, la syndique adjointe demandait au Tribunal de renverser la décision du Conseil et d’imposer à M. Génier les sanctions recommandées de façon commune.
Dans son jugement, le Tribunal constate en premier lieu que le Conseil ne s’est pas mal dirigé en droit. En effet, ce dernier a énoncé correctement le principe selon lequel il n’a pas à s’interroger sur la sévérité ou la clémence des recommandations communes en plus d’avoir cité les extraits pertinents de l’arrêt rendu par la Cour suprême dans l’affaire R. c. Anthony-Cook[2].
Cela dit, le Tribunal constate que le Conseil a erré en refusant d’entériner les recommandations communes des parties sur sanction. Le passage suivant, inspiré de l’affaire R. c. Binet[3], est particulièrement révélateur du raisonnement du Tribunal :
« [26] En effet, sous le couvert du critère de la confiance du public si la primauté du droit n’était pas respectée (sans expliciter davantage), il a plutôt imposé des sanctions qu’il trouvait plus appropriées dans les circonstances.
[…]
[28] Le Conseil devait plutôt s’interroger si les recommandations communes étaient susceptibles de déconsidérer l’administration de la justice ou étaient par ailleurs contraires à l’intérêt public, ce qu’il n’a pas fait. »
Ensuite, le Tribunal traite de la mention, par le Conseil, du fait que l’entente n’a pas été « négociée par des procureurs expérimentés », l’intimé n’étant pas représenté. Sur ce point, le Tribunal rétorque que « rien n’empêche un individu non représenté d’être partie à une recommandation commune »[4].
Pour ces motifs, le Tribunal infirme la décision du Conseil et impose à M. Génier les sanctions faisant l’objet des recommandations communes soumises au Conseil.
Nous retenons de ce jugement un rappel concernant les principes décrits dans l’affaire R. c. Anthony-Cook. Dans la présente affaire, le Tribunal a rendu un jugement qui concorde, à notre avis, avec l’importance accordée par la Cour suprême aux discussions entre avocats, le tout étant décrit en ces termes, et ce, dès le premier paragraphe du fameux arrêt :
« [1] Le juge Moldaver — Les discussions que tiennent les avocats du ministère public et ceux de la défense en vue d’un règlement sont non seulement courantes dans le système de justice pénale, elles sont essentielles. Menées correctement, elles permettent un fonctionnement en douceur et efficace du système. »
[1] Notaires (Ordre professionnel des) c. Génier, 2019 QCTP 79.
[2] R. c. Anthony‑Cook, [2016] 2 RCS 204, 2016 CSC 43 (CanLII).
[3] R. c. Binet, 2019 QCCA 669 (CanLII).
[4] Préc., note 1, para. 29.