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Dans la présente affaire[1], le Tribunal était saisi d’un appel porté par M. Jean Boudreau, syndic ad hoc, à l’encontre d’une décision sur culpabilité du Conseil de discipline de l’Ordre des psychologues du Québec (ci-après « Conseil ») acquittant Mme Suzanne Vallières de neuf (9) des dix-huit (18) chefs d’infraction portés à son endroit.

Les faits sont les suivants. Le 3 juin 2015, l’appelant dépose contre l’intimée une plainte disciplinaire qui s’inscrit dans le cadre de l’exercice de la profession de cette dernière auprès des enfants. À titre d’exemple, il est notamment reproché à l’intimée d’avoir exercé sa profession de façon non conforme aux règles de l’art (chefs 2, 6, 10, 13 et 14) et d’avoir fait défaut d’avoir tenu compte des limites de ses compétences (chefs 20 a), 20 b), 20 c), 20 d) et 20 e)). Le 24 août 2016, l’intimée enregistre un plaidoyer sur certains chefs (2, 3, 6, 10, 11, 13, 14 et 15) et lie contestation sur les autres chefs, lesquels portaient notamment sur des questions de consentement, d’intégrité ou encore de conflit d’intérêts.

Le 12 avril 2017, le Conseil acquitte l’intimée sur l’ensemble des chefs sur lesquels elle n’a pas enregistré de plaidoyer de culpabilité, le tout à l’exception du chef 20 e).

En effet, les chefs 20 a) à 20 e) reprochaient à l’intimée d’avoir omis de tenir compte des limites de ses compétences en réalisant des mandats d’évaluation psychologique portant sur cinq (5) enfants. Les chefs 20 a) à d), quant à eux, concernaient des enfants, tests et rapports qui étaient également visés par d’autres chefs reprochant à l’intimée son manque de compétence et en lien avec lesquels elle avait plaidé coupable. En ce qui concerne le chef 20 e), il visait un enfant en lien avec lequel aucun autre chef de compétence n’avait été déposé. Le Conseil, à la demande de l’intimée, ordonne la suspension conditionnelle des procédures sur les chefs 20 a) à d), mais déclare l’intimée coupable du chef 20 e).

Devant le Tribunal, l’appelant soulève que le Conseil a erré en ordonnant la suspension conditionnelle des procédures sur les chefs 20 a) à 20 d).

En premier lieu, le Tribunal constate que le Conseil a effectivement ordonné la suspension conditionnelle des procédures sur les chefs 20 a) à 20 d), mais sans d’abord décider de la culpabilité de l’intimée en lien avec ces chefs. Se référant à l’affaire Leclerc[2], le Tribunal conclut qu’en omettant de trancher d’abord sur la culpabilité, le Conseil a commis une erreur de droit. Pour cette raison, le Tribunal se substitue au Conseil et déclare l’intimée coupable sur chacun des chefs 20 a) à 20 d).

En ce qui concerne la question de fond, soit celle de savoir si le Conseil a eu raison de suspendre les procédures sur les chefs 20 a) à 20 d), le Tribunal se  réfère à l’arrêt Sarazin[3] où la Cour d’appel propose une approche que le Tribunal qualifie de « plus souple des règles de l’arrêt Kienapple »[4]. Plus spécifiquement, le Tribunal réfère au paragraphe 28 dudit arrêt où la Cour d’appel énonce que le « principe fondamental dans Kienapple est de ne pas doubler ou multiplier les condamnations et les peines pour le même tort. C’est d’éviter la redondance juridique […] ».

En lien avec ce passage, le Tribunal juge que l’incompétence de l’intimée est en lien avec l’acceptation et la réalisation des mandats dont il est question aux chefs 20 a) à 20 d) et que cette manifestation d’incompétence est également celle que l’on retrouve aux chefs pour lesquels l’intimée a plaidé coupable et qui sont relatifs au fait de ne pas avoir procédé conformément aux règles de l’art. Pour cette raison, le Tribunal considère que les chefs 20 a) à 20 d) ne comportent pas d’élément distinctif suffisant par rapport aux autres chefs relatifs à la compétence de l’intimée pour justifier le maintien de condamnations distinctes.

Dans ces circonstances, le Tribunal prononce une suspension conditionnelle des procédures à l’égard des chefs 20 a) à 20 d).

Nous retenons principalement de cette décision un rappel à l’effet qu’une suspension conditionnelle des procédures sur un chef d’infraction doit d’abord être précédée d’une déclaration de culpabilité sur ce même chef. Ensuite, nous constatons que la présente affaire constitue, à notre connaissance, une première application par le Tribunal de l’arrêt Sarazin, lequel préconise effectivement une approche plus souple du principe de l’arrêt Kineapple, et ce, lorsque « les éléments constitutifs sont distincts, mais que le même événement fonde les différentes accusations »[5].

[1] Psychologues (Ordre professionnel des) c. Vallières, 2018 QCTP 121 (CanLII).

[2] Notaires (Ordre professionnel des) c. Leclerc, 2010 QCTP 76 (CanLII).

[3] Sarazin c. R., 2018 QCCA 1065 (CanLII).

[4] Préc., note 1, para. 164.

[5] Préc., note 3, para. 40.