Loading...

Dans la présente affaire[1], le Tribunal était saisi de l’appel d’un professionnel concernant une décision sur culpabilité rendue le 10 mai 2016 (ci-après « Décision ») par le Conseil de discipline de l’Ordre des dentistes du Québec (ci-après « Conseil »). Par sa Décision, le Conseil déclarait l’appelant coupable du seul chef d’infraction porté à son endroit par l’intimé.

Les faits sont simples. Le 17 avril 2013, l’appelant rencontre un patient et élabore avec celui-ci un plan de traitements afin de corriger une béance occlusale postérieure. Le 25 avril 2013, l’appelant procède à la prise d’empreintes dentaires au cirage. Le jour même, la secrétaire facture à la compagnie d’assurance les frais associés à la prise d’empreintes en plus de ceux associés à l’intervention, laquelle était prévue pour le 28 mai 2013. Le 28 mai 2013, l’appelant procède à la correction de la béance occlusale.

Pour la réclamation à l’assureur, l’appelant s’est fié aux codes prévus dans le Guide des tarifs et nomenclature des actes buccodentaires[2] (ci-après « Guide »). Or, puisqu’aucun code ne correspondait précisément à son intervention, ce dernier a utilisé les codes qui, selon lui, reflètent le mieux les actes posés. L’appelant admet que cette description pouvait être erronée[3]. Le 10 mai 2016, le Conseil déclare l’appelant coupable d’avoir omis de s’acquitter de ses obligations professionnelles avec dignité en réclamant des honoraires pour des actes professionnels faussement décrits[4].

D’entrée de jeu, le Tribunal conclut que l’essentiel de la position retenue par le Conseil se situe aux paragraphes 29 et 30 de la Décision où il est notamment écrit que « […] au stade de l’audition sur la culpabilité, le rôle du Conseil n’est pas de porter un jugement sur le degré de gravité d’une faute ». Pour le Tribunal, le Conseil a adhéré à la thèse de l’intimé, laquelle est à l’effet que le test était de savoir si l’appelant « a dit quelque chose qui est faux, qui est non conforme à la réalité ». Or, le Tribunal rejette cette thèse.

En effet, le Tribunal rappelle premièrement que le Conseil devait être convaincu que le comportement de l’appelant revêt une certaine gravité[5]. De plus, pour le Tribunal, le contexte dans lequel est rédigé l’article 4.02.01 démontre qu’il vise à sanctionner un acte dérogatoire à la dignité de la profession. Ainsi, « une simple inscription erronée, inexacte ou fondée sur une mauvaise interprétation du Guide ne revêt pas automatiquement un caractère faux suffisamment sérieux pour constituer »[6] un tel acte. En l’espèce, conclut le Tribunal, le Conseil n’aurait pas dû conclure à la faute déontologique de l’appelant, et ce, même en concluant que ce dernier avait tort dans son interprétation des codes prévus au Guide. Pour cette raison, l’appel est accueilli et l’appelant est acquitté du seul chef porté à son endroit.

Nous retenons de cette décision un rappel important à l’effet que peu importe le type de faute alléguée, le comportement du (de la) professionnel(le) doit revêtir une certaine gravité. En effet, il est désormais on ne peut plus clair que même une fausse déclaration ne constitue pas automatiquement une faute déontologique en l’absence du degré de gravité requis. Il est donc important, pour décider de la gravité du comportement, de « tenir compte du contexte dans lequel les gestes reprochés ont été posés »[7].

[1] Soulières c. Dentistes (Ordre professionnel des), 2018 QCTP 47.

[2] Le Guide est publié par l’Association des chirurgiens-dentistes du Québec.

[3] Préc., note 1, para. 24.

[4] Le lien de rattachement retenu était l’article 4.02.01 du Code de déontologie des dentistes du Québec.

[5] Prud’Homme c. Gilbert, 2012 QCCA 1544.

[6] Préc., note 1, para. 39.

[7] Lessard, Jean-Olivier, « Honneur, dignité et discipline dans les professions », Développements récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire, vol. 323, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2010, p. 188.