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Dans la présente affaire[1], le Tribunal des professions (ci-après « Tribunal ») était saisi d’un appel d’une décision rendue par le Conseil de discipline de l’Ordre professionnel des architectes du Québec (ci-après le « Conseil »), concernant M. Pierre Collette, en sa qualité de syndic de l’Ordre des architectes du Québec (ci-après l’« Appelant ») et M. Guglielmo D’Onofrio, architectes (ci-après l’« Intimé »). Les décisions sur culpabilité et sanction ont respectivement été rendues les 18 février 2015 et 4 septembre 2015.

Les faits sont les suivants. Entre les mois de mai et d’octobre 2013, l’Intimé a fourni des services professionnels à M. G. L. (ci-après le « Client »). À la fin du mois d’octobre 2013, l’Intimé a fait parvenir au Client un compte d’honoraires. Or, le Client avait interprété les travaux facturés comme exploratoires, n’ayant jamais donné de mandat à l’Intimé. Ils entrent dans un échange de courriels acrimonieux et sans issue, motivant le Client à déposer une demande d’enquête à l’Ordre des architectes du Québec. Allant à l’encontre des directives reçues par l’Appelant, l’Intimé met en demeure le Client, ce qui pousse l’Appelant à déposer une plainte à son endroit. S’en suit une nouvelle correspondance musclée entre l’Intimé et l’Appelant où ce premier remet en cause la démarche du second. Frustré, il communique directement avec la Présidente de son ordre professionnel afin de remettre en cause le comportement et l’intégrité de l’Appelant.

L’Appelant accuse l’Intimé d’avoir communiqué avec un demandeur d’enquête après que ce dernier ait formulé une plainte à son endroit (chef 1), d’avoir rendu des services professionnels sans au préalable avoir obtenu auprès de son Client un mandat en ce sens (chef 2), d’avoir fait pression envers son Client afin d’obtenir un mandat (chef 3) et d’avoir tenu des propos offensants et irrespectueux à son endroit et à l’endroit de l’Ordre (chef 4).

En première instance, le Conseil a déclaré l’Intimé coupable des chefs 1 et 4 et l’a acquitté sur les chefs 2 et 3. Sur sanction le Conseil a imposé une réprimande sur le chef 1 et une amende de 1 000 $ sur le chef 4 et l’a condamné au paiement de 20 % du total des frais et déboursés. L’Appelant se pourvoit contre les décisions sur culpabilité et sur sanction.

Le Tribunal s’est alors demandé si le Conseil a fait erreur dans sa décision d’acquitter l’Intimé des chefs 2 et 3, si les sanctions imposées aux chefs 1 et 4 étaient déraisonnablement clémentes et s’il a judicieusement exercé sa discrétion dans l’adjudication des déboursés.

Les acquittements

Le chef 2 porte sur l’obligation déontologique de l’architecte voulant qu’ « avant de fournir ses services professionnels, l’architecte doit conclure avec le client une entente quant à l’ampleur et aux modalités des services requis et quant aux conditions de leur rémunération » [2]. Le Conseil a acquitté l’Intimé parce qu’il considère que celui-ci n’a pas rendu de services professionnels d’architecte. Devant le Tribunal, l’Appelant allègue que le Conseil a commis une erreur dans la qualification de la notion de services professionnels d’architecte et qu’il n’avait pas à interpréter cette notion, mais simplement à l’appliquer. Donnant raison à l’Appelant, le Tribunal précise que le Conseil devait s’assurer que les services professionnels facturés par l’Intimé respectaient les termes de l’article 12 du Code de déontologie des architectes avant que ceux-ci soient rendus. C’est sous l’angle des gestes concrets posés par l’Intimé que le Conseil aurait dû analyser ce chef. En l’espèce, par prépondérance, la preuve démontre que l’Intimé ne s’est pas acquitté de son obligation. Le Tribunal maintient qu’il incombait à l’Intimé de clarifier l’entente avec son Client. Il le déclare donc coupable du chef 2 et le condamne à une amende de 1000 $.

Quant au chef 3, l’Appelant prétend que le Conseil a commis une erreur en acquittant l’Intimé après avoir qualifié sa conduite d’inacceptable. En effet, selon lui, un comportement qui se situe en dessous de l’acceptable constitue une faute déontologique[3]. Toutefois, le Tribunal rejette l’argument de l’Appelant. Selon lui, le Conseil n’a pas commis d’erreur. Ce chef vise le fait de mettre de la pression sur un client afin que celui-ci donne un mandat. En l’espèce, le Conseil conclut que le comportement agressif de l’Intimé a comme seul objectif le paiement de son compte d’honoraires. Rien dans la preuve ne permet de conclure qu’il y a eu pression indue aux fins d’obtention d’un mandat. Le Tribunal rejette donc l’appel sur ce chef.

Les peines et sanctions

Le Tribunal juge que l’Appelant n’a pas identifié une erreur manifeste relativement aux facteurs considérés par le Conseil ou que cette sanction se situe au-delà de la mesure acceptable et devient déraisonnable. Le Tribunal rappelle que le décideur de première instance bénéficie d’une large latitude en pareilles matières[4]. Le Tribunal juge que les conclusions du Conseil ont été motivées aux suites d’une analyse globale qui a pris en compte le contexte particulier de l’affaire, la relation de longue date entre l’appelant et l’intimé, le profil de ce dernier qui a collaboré tout au long de l’enquête et le fait qu’il s’agissait de sa première parution en discipline. Il rejette donc l’appel quant aux sanctions des chefs 1 et 4.

L’adjudication raisonnable

Le Tribunal rappelle que l’adjudication des frais relève de la discrétion du Conseil. L’appelant avance que le Conseil a erré en se basant uniquement sur la situation financière précaire de l’intimé pour justifier ce partage. En effet, il prétend que la situation économique des parties ne peut être considérée dans la répartition des déboursés. Or, le Tribunal rappelle que le Conseil n’a pas considéré uniquement la situation financière précaire de l’Intimé, mais également l’impact qu’aurait sur l’exercice de sa profession un fardeau financier trop lourd. Le Tribunal souligne que le droit pour le professionnel d’exercer sa profession constitue un des principes pour la détermination de sanctions disciplinaires. L’appel au sujet des déboursés a donc été rejeté.

[1] Architectes (Ordre professionnel des) c D’Onofrio, 2017 QCTP 21.

[2] Article 12 al 1 du Code de déontologie des architectes du Québec (RLRQ c A-21, r 5.1.)

[3] Ordre des architectes du Québec c Duval, QCTP 144 au para 11.

[4] R c Lacasse, 2015 CSC 64.